Introduction:
Les scolioses idiopathiques (SI) sont celles dont on ne connaît absolument pas l’origine: elles représentent plus de 80% des scolioses. On en est donc réduit a décrire les déformations, l’histoire naturelle et les troubles fréquemment associes, les complications, et a préconiser un traitement purement symptomatique. Nous résumerons ces quelques points avant de proposer une méthode thérapeutique non traumatisante qui permet un redressement d’une grande majorité des SI, ainsi qu’une hypothèse étiologique.
Histoire naturelle
La SI touche 1,4% de la population, dont 80 a 90% de filles. La période de la plus grande évolutivité correspond aux périodes de croissance rapide, surtout la période pubertaire. Or les filles ont une croissance pubertaire plus rapide que les garçons .« C’est sans doute la cause de la plus grande fréquence des scolioses chez les filles ». La SI n’est pourtant pas liée uniquement a la croissance, puisque son évolutivité se poursuit après la fin de celle-ci. La SI ne serait pas due a une inégalité des membres inférieures qui ne provoquerait qu’une attitude scoliotique (absence de rotation, inclinaison normalisée en décubitus).
Déformation
La SI se développe en 3 dimensions: Il s’agit d’un mouvement de torsion.
Courbure
- Il y a d’une part une ou plusieurs courbures d’inclinaison latérale dorsale, lombaire ou dorso-lombaire. On peut souvent distinguer une courbure principale et une courbure secondaire de compensation, qui permet a l’occiput d’être au fil a plomb au dessus du sacrum. 2/3 des SI sont a 1 courbe majeure et 1/3 des SI a 2 courbes majeures. Au delà de 30 degrés la déformation a tendance a s’aggraver d’elle meme, apparemment sous l’effet de la croissance et de la contraction musculaire.
Épineuses
- Les épineuses tournent d’autre part dans la concavité. Au delà de 20 degrés de rotation la SI aurait tendance a s’aggraver d’elle meme, la contraction des muscles de la concavité et ceux de la convexité allant dans ce sens. Cette rotation provoque une déformation thoracique: la voussure ou gibbosité constatée lorsque le patient se penche en avant, un hémithorax est plus haut que l’autre. c’est le principal élément de diagnostic clinique de la scoliose. « inclinaison thoracique la complique d’un rapprochement des cotes dans la concavité et écartement dans la convexité.
- Enfin toutes les vertébrés sont en extensions, c’est a dire épineuses rapprochées, se qui provoque paradoxalement un dos creux: la cyphose est inversée (une cyphose est normale entre 20 et 40 degrés).
« l’os se déforme, sa croissance est diminuée dans les zones de forte pression et augmentée dans celle de moindre appui »
Les principales complications sont d’une part les douleurs dorsales ou lombaires, surtout à l’âge adulte, et d’autre part les conséquences de la déformation thoracique qui peut mener a une insuffisance respiratoire et parfois à des complications cardio-vasculaires. Le risque le plus fréquent est en fait surtout esthétique.
Intérêt de la radiographie:
La confirmation du diagnostic est radiologique, sur des clichés de grande taille face debout surtout, plus éventuellement face couche et profil: on mesure ainsi l’inclinaison latérale selon la méthode de Cobb (la méthode Fergusson étant peu utilisée), l’âge osseux selon la méthode Risser (ossification de l’aile iliaque), la rotation étant mesurée par la position soit des pédicules soit des épineuses.
La radiographie permet aussi d’éliminer une autre pathologie, de suivre l’évolution par des clichés a 3 ou 4 mois d’intervalle, et de poser les indications thérapeutiques éventuelles: pas de corset avant 30°, et au-delà seulement si la scoliose est évolutive, pas d’arthrodèse avant 40 à 50°.
De nombreux corsets sont donc prescrits abusivement et leur effet ne serait dû qu’à l’histoire naturelle de la scoliose… La radiographie permet aussi de poser un pronostic: “plus l’âge osseux au début de la scoliose est faible, plus forte est l’évolutivité”.
Rôle du muscle:
Les études d’électromyographie de surface montrent une asymétrie dans 25% des cas: il s’agit d’une prédominance des muscles de la concavité avant la puberté. Cela s’inverse après la puberté.
Troubles associes:
Plus de 80% des enfants présentant une SI ont un trouble de la proprioception et un dysfonctionnement des réflexes oculomoteurs. Plus de 60% ont un trouble de l’équilibre avec dysfonctionnement vestibulaire.
Évolutivité
Seulement 30 à 60% des SI évoluent réellement. Cependant en début de puberté ce risqué passé à 80% pour un angle de Cobb de 20°, et a 100% pour un angle de 30° Risser 0. Environ 50 à 80% des angles de 20 à 30° Risser 0 s’aggravent sans traitement. Et ce risque n’est que faiblement diminue par le port du corset Milwaukee.
Or 10 à 40% des patients présentant cet angle (20 à 30°) devront être opérés. Risque multiplie par 10 entre 30 et 40°. Mais risqué diminue de moitié par le port du corset, ce qui semble contradictoire avec les chiffres cites aux paragraphes ‘d’ et ‘h’.
Traitements:
“Tant que l’on n’aura pas découvert l’étiologie de la scoliose, les traitements, quels qu’ils soient, ne seront que palliatifs et symptomatiques. Aucun ne guérira la scoliose elle-même.” “Les traitements sont extrêmement contraignants et agressifs”: “ les corsets rendent la vie difficile aux enfants et aux adolescents pendant des années” et leur nombre de formes différentes montrent qu’il n’y a pas consensus à ce sujet; “la chirurgie est lourde”, avec 25% de récidives… Pseudarthroses, fractures, infections graves et séquelles neurologiques sont les principales complications possibles des arthrodèses.
“La kinésithérapie ou rééducation isolée n’est pas capable d’arrêter ni même de ralentir notablement l’évolution d’une scoliose franchement évolutive”.
L’électrostimulation est totalement inefficace.
“Le corset n’est pas destiné à corriger l’angulation constatée mais à la stabiliser. Il n’est pas sûr que le corset arête le processus évolutif”. Plus de 60%des patients sous corset sont un échec thérapeutique. 30% des maladies l’abandonnent ou le portent mal, ce qu’ils n’osent que rarement avouer au thérapeute, les chiffres sont donc certainement sous-estimes: notre expérience montre par exemple que malgré nos conseils de nombreux patients traités par Myotherapie sans corset dissent à leur thérapeute “officiel” avoir porté le corset…
- Un patient sur 3 (!) a tôt ou tard une indication chirurgicale, malgré le traitement orthopédique.
- Au total, plus de 60% des maladies sous corset s’aggravent, ce qui ne représenterait pas de différence significative avec l’évolution spontanée sans traitement.
- Le corset de Boston serait encore moins efficace que celui de Milwaukee, cite jusqu’à présent.
- Quant à l’arthrodèse, elle n’empêche même pas toujours l’évolution des déformations. De plus il y a 10% d’infections postopératoires et 17% des malades sont réopères.
- Plus de 75% des maladies opérés par tige de Harington présentent par la suite des lombalgies, et plus de 60% des douleurs du dos. Chez l’adulte l’arthrodèse augmente le risque d’arthrose et d’arthralgies multiples.
Ne rien faire n’est pas toujours une mauvaise solution: les courbures initiales de moins de 10® progressent rarement, les courbures de 10 à 20° progressent dans 10% des cas, mais celles au-delà de 20° progressent dans 80% des cas !
Le risque est plus grand pour une scoliose ayant débuté avant 10 ans.
A Risser 0 le risque est 4 fois plus grand qu’a Risser 3 ou 4.
Tous les auteurs semblent insister sur le fait que le risque semble surtout important au-delà de 20°
Au total seuls 10% des enfants auraient une amélioration spontanée de leur courbure de 5° au moins.
Bref, avec ou sans corset la scoliose n’a que rarement tendance a régresser ou même à ne pas s’aggraver, et les traitements disponibles sont soit inefficaces (kinésithérapie et électrostimulation), soit n’ont pour objectif que de freiner l’aggravation (corset) soit sont traumatisants (corset et chirurgie) et non dénues de risques d’effets secondaires (chirurgie). La grande majorité des scolioses a tendance à s’aggraver, avec ou sans traitement.
Nous voudrions montrer ici qu’il peut pourtant y avoir une autre façon d’aborder cette pathologie en s’appuyant sur une hypothèse étiologique concordant avec toutes les données actuelles publiées sur les scolioses idiopathiques.
Matériel & méthode
En l’absence de traitement autre que palliatif et purement local (dorsal), un traitement non local faisant se redresser la SI montrerait l’efficacité de la thérapeutique utilisée sans qu’elle ait besoin d’être comparée à une autre puisqu’il n’en existe pas. Il tendrait à prouver la vraisemblance de l’hypothèse étiologique.
19 médecins, dont 3 spécialistes de médecine physique (rééducation fonctionnelle), ont traité par Brachy-Myotherapie 38 adolescents ayant une scoliose avec angle de Cobb compris entre 11° et 34°
La Brachy-Myothérapie est une thérapeutique purement manuelle, du type ‘mobilisation’, ne dépassant jamais l’amplitude physiologique des articulations, qui vise à traiter par le raccourcissement des muscles concernés les contractures post-traumatiques persistantes qui semblent être a la base de nombreuses pathologies, articulaires ou autres.
Il ne s’agit que de mobilisations, à l’exclusion de toute manipulation. Seul le système musculaire squelettique est concerné.
Les effets de la Myotherapie ont été démontrés de facon comparative et par mesures eletromyographiques. Nous n’y reviendrons donc pas.
Dans la présente étude seuls les muscles du cou et/ou de la cheville ont été traités. Aucun traitement dorsal n’a été fait. Les patients étaient traités uniquement par Myothérapie, sans corset.
Les critères d’inclusion furent les scolioses vraies. Les critères d’exclusion les attitudes scoliotiques et les scolioses inférieures ou égales à 10°.
Les patients ont été suivis en faisant des téléradiographies.
11 cas avaient un angle de départ de 20 à 30°. 1 cas avait un angle de départ de 34°. Les 26 autres patients avaient un angle entre 11 et 19°.
Les scolioses vues en cabinet de ville ou de campagne étant assez rares, surtout celles de plus de 20° sans corset, d’une part parce que les patients s’adressant plutôt au milieu hospitalier ou aux centres spécialisés, d’autre part parce qu’un corset est souvent prescrit avant 30° (cf. paragraphe ‘d’), chaque thérapeute n’a pu produire ici que les résultats que de quelques cas. Ceux-ci n’ont pas été sélectionnés.
Il s’agit donc d’une étude multicentrique ouverte, représentative de ce qui se voit en clientèle de cabinet de ville ou de campagne.
Une moyenne de 6 à 7 séances a été pratiquée (extrêmes: 2 à 24). Le traitement fut donc en général très bref: quelques semaines à quelques mois.
Résultats
Dans le premier groupe, initialement entre 20 et 34°, au pronostic donc traditionnellement le plus grave, le gain moyen fut de 8,42° (extrêmes: 17° et 0°). Aucune aggravation ne fut constatée.
Dans le second groupe, initialement entre 11 et 19°, le gain moyen fut de 5,19° (extrêmes: 11° et -2°). Une seule aggravation (de 2°) fut constatée.
Sur la totalité des 38 cas traités il n’y eut donc qu’une seule aggravation (de 2°), 3 effets nuls (ni aggravation ni amélioration), 34 effets positifs (= 90% des cas): redressement de l’angle, avec un gain allant jusqu’à 17°. Ceci sans aucun traitement local, ni par Myothérapie, ni autre.
Discussion
a) Rappel anatomique
Au niveau des vertèbres dorsales il n’y a aucun muscle antérieur. La cyphose physiologique semble maintenue par les muscles abdominaux.
Il y existe par contre des muscles spinaux postérieurs, communément regroupes sous le terme de muscles transversaires épineux (TRE). Leur contraction provoque inclinaison latérale, rotation et extension
b) Hypothèse étiologique
Puisque nous avons pu redresser 90% des scolioses idiopathiques sans traitement local aucun, alors que spontanément seules 10% des scolioses se redressent spontanément, c’est que la cause n’est probablement pas dorsale.
“Si l’étiologie de la scoliose reste inconnue, on suspecte un trouble de l’équilibre postural en rapport avec un dysfonctionnement de la proprioception, des réflexes oculomoteurs et du vestibule”. Ceci est confirmé par plusieurs études.
Or la position verticale de la tête est en rapport avec le système vestibulo-labyrinthique, qui contrôle toute la musculature tonique posturale. En d’autres termes, l’horizontalité du regard permet les réflexes d’équilibration, tout comme l’horizontalité des oreilles. Ces facteurs sont donc prioritaires et une position de la tête les respectant détermine les tensions musculaires au niveau du cou. Or l’on constate chez 60% des scoliotiques une position asymétrique du crane sur le rachis, dont nous avons montré qu’elle pouvait être due à une contracture persistante d’origine traumatique: traction obstétricale excessive, chute sur le crane, etc… N’importe quel muscle cervical antérieur et/ou latéral peut être concerne.
“Certaines asymétries de position des muscles du cou, certains défauts de positon de la tête, peuvent obliger le sujet pour se rééquilibrer à basculer les épaules et ainsi à infléchir son rachis”. C’est probablement ce qui se passé en fait dans la plupart des cas.
La contracture post-traumatique persistante, générant une position anormale, devra être compensée par une tension musculaire controlatérale permanente, qui vise à l’équilibre pour maintenir l’horizontalité naturelle du regard et des oreilles. Cette tension de compensation controlatérale peut être sous-jacente à la tension initiale.
Dans ce cas des tensions cervicales anormales provoqueraient elles-mêmes des tensions de compensation au niveau dorsal, puis lombaire (ex: muscle ilio-costal, qui écartera encore plus les cotes de convexité) afin que l’occiput reste au fil à plomb au-dessus du sacrum. Or puisqu’au niveau dorsal il n’y a pas de muscles antérieurs, mais seulement des muscles postérieurs, comme nous l’avons vu plus haut, leur tension de compensation se fera dans leur résultante: inclinaison latérale, rotation et extension.
De même une rotation et/ou une bascule sagittale ou latérale du basin provoque une rotation de compensation au-dessus, donc dorsale, et ce forcement avec les mêmes muscles spinaux que cites ci-dessus (TRE) (puisqu’il n’y en a pas d’autre…), toujours afin de pouvoir facilement regarder de face, regard et oreilles à l’horizontale. Ceci peut donc également au niveau dorsal provoquer inclinaison latérale, rotation et extension.
La rotation du bassin, structure instable puisque posée sur 2 sphères, les têtes fémorales, peut quant à elle avoir de nombreuses origines, dues à des tensions de muscles de la hanche ou de muscles bi-articulaires de la hanche et du genou, qui font elles-mêmes suite par exemple a des séquelles d’entorse de cheville (et non pas une inégalité de longueur des membres, qui n’est le plus souvent qu’apparente et représente alors un artefact radiologique: flexions minimes d’articulations suite à des tensions musculaires, provoquant une bascule apparente du bassin).
En fait, comme dans une scoliose par asymétrie de croissance, en cas de SI des courbures de compensation permettent de rétablir l’équilibre tête-bassin. Il y a d’ailleurs beaucoup de similitudes entre une SI et une scoliose par asymétrie croissance: même l’aggravation pubertaire est présente dans les 2 cas. Or il n’y a finalement pas grande différence mécanique entre une asymétrie de croissance qui déforme une vertèbre et une contracture persistante qui comprime plusieurs vertèbres.
Conclusion
Nous avons cité plus haut les constations eletromyographiques de déséquilibres de tension des muscles spinaux, puis leur conséquence probable sur la croissance rachidienne qui sera ainsi déséquilibrée, surtout lorsqu’elle est rapide. Ce qui peut déformer l’os, très malléable a cet âge.
Nous en avons donné deux hypothèses étiologiques, l’une descendante, l’autre ascendante, ayant toutes deux un but de compensation de troubles initiaux situés au cou ou aux membres inférieurs. Dans les deux cas des troubles musculaires d’origine traumatique auraient pour conséquence un dysfonctionnement oculaire et/ou vestibulaire, que l’organisme s’efforcerait ainsi de compenser par des inclinaisons rachidiennes. La thérapeutique tend à confirmer cette hypothèse qui concorde avec toutes les observations faites sur les scolioses idiopathiques.
Article issu de la revue trimestrielle de la société internationale de myotherapie de mars 1998.
Rédaction de J.Polak
Commite de lecture: Dr Fox,rhumatologue; Dr Frezet,rhumatologue; Dr Mingam, rééducation et réadaptation fonctionnelle; Dr Preney, pédiatre; Dr Thiel, rééducation et réadaptation fonctionnelle.