Un regard sur l’histoire
La maladie coeliaque, aussi nommée cœliaquie, entéropathie au gluten ou encore intolérance au gluten, est une affection auto-immune qui se caractérise par une atrophie villositaire, soit la destruction de la paroi de l’intestin grêle. Son histoire est riche et complexe.
La première description La première description moderne de cette maladie est attribuée à Samuel Gee, médecin pédiatre du St Bartholomew’s Hospital de Londres en 1888. Gee a observé chez ses jeunes patients des troubles digestifs majeurs dominés par une diarrhée chronique, un épuisement et des troubles de la croissance. Il attribue cette maladie à des variations du régime alimentaire.
Les essais et erreurs Les médecins de l’époque cherchaient alors le meilleur régime alimentaire à prescrire ou les aliments à interdire. Plusieurs sortes de restrictions sont tentées successivement ou simultanément :
- Graisses
- Hydrates de carbone
Ces divers régimes s’avèrent inefficaces ou insuffisants en calories pour maintenir une croissance chez l’enfant. La maladie reste incomprise jusqu’à la fin des années 1940.
La découverte de Dr Dicke
C’est en 1950 que le médecin hollandais Willem Karel Dicke fait une découverte majeure : l’amélioration spectaculaire de la maladie coeliaque par l’éviction du blé. Il avait déjà remarqué lors de la Seconde Guerre mondiale que le taux de mortalité de la maladie avait chuté lors de la famine de 1944.
La révélation sur le blé Il apparait alors que l’efficacité relative des régimes précédents était directement liée à leur proportion relative de produits issus du blé. En 1953, W.K Dicke et ses collaborateurs montrent que les produits les plus toxiques appartiennent aux protéines dites gliadines, qui font partie du gluten.
Les avancées depuis les années 1960
Les études ultérieures Dans les années qui suivent cette découverte, des études ultérieures montrent aussi le rôle néfaste de:
- Orge
- Seigle
- Avoine
Contrairement à:
- Riz
- Maïs
Chez l’enfant comme chez l’adulte, l’éviction alimentaire des produits en cause amène généralement une guérison presque complète.
L’évolution des techniques Durant la même décennie (1960-1970), les techniques de biopsie intestinale se perfectionnent. La maladie coeliaque est alors associée à une lésion de la muqueuse intestinale touchant les entérocytes des villosités intestinales.
La compréhension génétique La prédisposition génétique de la maladie est soupçonnée dans les années 1980 et les premiers tests dosant les anticorps anti-gliadine sont disponibles dans les années 1990. La nature auto-immune (production d’auto-anticorps) de la maladie est bien établie dans les années 2000.
Épidémiologie et prévalence
On trouve généralement cette maladie chez l’enfant mais le diagnostic peut être fait chez l’adulte quand la maladie était discrète pendant l’enfance. La prévalence de la maladie a été estimée à environ 1% dans différentes régions du monde.
Les populations touchées Cette maladie touche surtout:
- Populations d’Europe du Nord
- Populations d’Afrique du nord
Des estimations de sa fréquence parmi les personnes d’origine européenne varient entre 1 sur 100 et 1 sur 300. Parmi les Irlandais, la prévalence atteindrait 1 sur 100 tandis que la prévalence moyenne au Royaume-Uni serait de 1 sur 300.
Les variations de prévalence Cette prévalence différente est en partie due à la disparité des moyens diagnostics (diagnostic clinique ou selon la modernité des tests sérologiques qui détectent plus de cas). La maladie est exceptionnelle chez:
- Noirs africains
- Chinois
- Japonais
Les facteurs de risque
Les facteurs génétiques La prévalence familiale à la maladie coeliaque est d’environ 10% chez les parents d’un patient atteint. Cette prédisposition n’explique pas elle seule la maladie car même chez des jumeaux monozygotes (vrais jumeaux), ils ne concordent pour cette affection que dans environ 70% des cas.
Les événements déclencheurs Chez les sujets génétiquement prédisposés, un événement déclenchant peut induire une sensibilisation par un mécanisme non élucidé. Ce pourrait être:
- Une infection virale ou bactérienne (la responsabilité d’un rotavirus a été mise en cause avec un possible effet protecteur du vaccin)
- L’introduction trop précoce du gluten dans le régime alimentaire du nourrisson (encore discuté)
Physiopathologie et mécanisme
Le terme « gluten » provient du latin signifiant colle et donne aussi aux termes français « glu » et « agglutination ». C’est cette masse protéique élastique et visqueuse qui reste après extraction de l’amidon du blé et d’autres graminées qui pose problème dans le cadre de la maladie coeliaque.
La réaction inflammatoire Chez les patients atteints de cette affection, les peptides (des fractions protidiques) sont absorbés sous forme non dégradée par les entérocytes (cellules intestinales) puis modifiés par une enzyme : transglutaminase tissulaire. La gliadine ainsi transformée va être présentée par certaines cellules immunitaires (cellules dendritiques) aux lymphocytes T qui vont déclencher une réaction inflammatoire avec production d’anticorps spécifiques contre ces peptides modifiés mais également contre notre propre transglutaminase tissulaire (d’où le caractère auto-immune).
Les conséquences Cette réaction inflammatoire entraîne une destruction progressive des villosités intestinales avec pour conséquence une mauvaise absorption des nutriments. Cela peut avoir des conséquences importantes :
- Malnutrition
- Anémie
- Osteoporose
- Troubles neurologiques
Diagnostic
Le diagnostic de la maladie coeliaque repose principalement sur deux éléments :
- Tests sanguins : Des tests sérologiques pour détecter des anticorps spécifiques tels que les anticorps anti-transglutaminase.
- Biopsie intestinale : Elle permet d’examiner les villosités de l’intestin grêle et de confirmer la présence de lésions typiques de la maladie.
Il est crucial de noter que les tests doivent être effectués alors que le patient est encore sous un régime alimentaire contenant du gluten. Commencer un régime sans gluten avant d’être testé peut fausser les résultats.
Traitement
La base du traitement de la maladie coeliaque est un régime sans gluten à vie. Cela signifie que le patient doit éviter tous les aliments contenant :
- Blé
- Orge
- Seigle
- Avoine (sauf s’il est certifié sans gluten)
L’adhésion stricte à ce régime permet généralement à la paroi intestinale de guérir et prévient les complications potentielles.
Les compléments alimentaires Dans certains cas, des compléments alimentaires peuvent être nécessaires, notamment si le patient présente des carences en :
- Vitamines
- Minéraux
- Fer
- Calcium
Complications possibles
Si elle n’est pas traitée, la maladie coeliaque peut entraîner des complications telles que :
- Ostéoporose
- Infertilité
- Cancer de l’intestin
- Lymphome intestinal
Ces complications sont rares, mais elles soulignent l’importance d’un diagnostic précoce et d’un traitement approprié.
Conclusion
La maladie cœliaque est une affection complexe qui nécessite une attention médicale adéquate. Avec une compréhension claire de la maladie et une gestion rigoureuse du régime alimentaire, la plupart des patients peuvent mener une vie normale et saine.